Juliette Gaté Avocate
Pour repartir par un autre chemin
Articles
Gaté, Juliette. « D’un droit à la pudeur», Claire Christien-Prouët éd., Effraction de la pudeur. Quand la violence politique fait ravage. Érès, 2016, pp. 51-62.
La simple lecture de la définition donnée de la pudeur par un dictionnaire de langue française suffit à cerner toute l’étendue et la complexité de la notion. Le dictionnaire Larousse énonce que la pudeur est «â€ˆune disposition à éprouver de la gêne devant ce qui peut blesser la décence, devant l’évocation de choses très personnelles et, en particulier, l’évocation de choses sexuelles ». Il précise encore qu’il s’agit aussi de «â€ˆla discrétion, retenue qui empêche de dire ou de faire quelque chose qui peut blesser la modestie, la décence, la délicatesse ». Le dictionnaire Littré considère quant à lui la pudeur comme «â€ˆune attitude de retenue empêchant de dire ou faire ce qui peut choquer les codes sociaux ».
Ainsi, on comprend que la pudeur est une disposition personnelle et cachée dont les contours se dessinent soit quand une action ou une parole extérieure nous heurtent, comme nous paraissant relever de l’intimité de celui qui en est l’auteur, soit à l’inverse lorsque nous sommes contraints de révéler à d’autres quelque chose qui nous semble concerner notre intimité. Voir ou être vu, entendre ou être entendu. La pudeur est donc la limite fixant ce qui relève de l’intimité ou de l’extimité, générant un malaise lorsqu’elle est franchie.
L’intimité fait immédiatement songer à la nudité et même à la sexualité. On parle d’ailleurs de parties intimes pour évoquer les organes sexuels. La pudeur a donc à voir avec la nudité et la sexualité exposée. Mais il ne s’agit pas que de corps…
Pour lire la suite :
https://www.cairn.info/effraction-de-la-pudeur--9782749252131-page-51.htm
Gaté Juliette, « Droits des femmes et vulnérabilité, une relation ambivalente », avec D. Roman, in E. Paillet, (dir.), Effectivité des droits et vulnérabilité de la personne, ed Larcier, 2013
La vulnérabilité est une notion assez nouvellement entrée dans la réflexion juridique (3), mais qui fait déjà florès : législateur (4), juge (5) et doctrine académique (6) s’en sont emparés pour désigner des situations de fragilité, de faiblesse personnelle ou d’inégalités sociales justifiant la protection de personnes « qui, dans une situation pathologique ou hors norme, ne sont de fait pas en mesure d’exercer correctement leurs droits et libertés » (7), en raison d’une certaine fragilité,d’une faiblesse ou d’une dépendance qui les place dans cette situation.
La vulnérabilité d’une personne serait ainsi considérée comme susceptible de recouvrir « l’ensemble de ces situations juridiques dans lesquelles une faiblesse particulière amoindrit les capacités de défense
d’une personne » (8), situation que le droit prend en compte, parfois explicitement, parfois à travers d’autres termes tels ceux de faiblesse, de dépendance, d’incapacité, de protection.
Or, ainsi conçue, la question de la vulnérabilité est au coeur de la réflexion sur les droits des femmes. Bien sûr on songe en premier lieu aux théories du care (9), où la réflexion sur la prise en compte de la dépendance a été un objet central
POur lire la suite : https://www.lgdj.fr/effectivite-des-droits-et-vulnerabilite-des-personnes-9782802745976.html
Les femmes détenues sont-elles des hommes comme les autres ? », in Défendre en justice la cause des personnes détenues, Actes CREDOF-OIP-CNCDH, Documentation française, 2014, p.123.
Depuis 2003 les arrêts du Conseil d'État ou de la Cour européenne des droits de l'homme sur les droits et libertés des détenus se sont succédé. Avec les problématiques suivantes : cette justiciabilité change-t-elle réellement les pratiques de l'administration pénitentiaire et contribue-t-elle à améliorer effectivement la condition des détenus ? Quelles sont les perspectives futures de la défense de cette cause ? Par ses actions, l'OIP (Observatoire international des prisons section française) a pris une part prépondérante à cet édifice jurisprudentiel ; une quarantaine d'intervenants se sont réunis pour confronter les points de vue du monde académique et de la société civile, avec ceux d'anciens détenus, d 'avocats, d'autorités administratives indépendantes et de magistrats des juridictions nationales et européennes.
Pour en lire plus :
https://www.amazon.fr/Défendre-justice-cause-personnes-détenues/dp/2110094761
Gaté, Juliette."Genre, droit et discriminations en milieu carcéral. L’inégalité des malchances", , in Genre et discrimination, M. Eberhard, J.Laufer, D. Meurs, F Pigeyre, P Simon (dir), ed. Ixe, 2017, p. 71
La prison est par essence une organisation discriminante. En ce qu’elle est construite par la volonté même de séparer certains êtres du reste de la société d’abord, mais aussi car l’intérieur même de la prison est tout entier organisé autour de deux autres séparations : la séparation des personnes détenues et du personnel pénitentiaire (la plupart des travaux sociologiques évoquent ce clivage prégnant entre les bons et les mauvais) mais aussi, bien sûr, la séparation des hommes et des femmes.
Le projet qui conduit à réunir ici ces écrits repose sur l’idée d’étudier cette organisation sous l’angle particulier du genre, cette distinction fondée sur le sexe mais s’attachant à la dimension culturelle qu’il y a dans l’opposition entre« masculin » et « féminin », dans l’assignation des hommes et des femmes à des fonctions sociales distinctes. Il est ainsi demandé à chacun de voir si et comment le genre fonde les discriminations et engendre d’éventuelles inégalités.
Le sujet résonne évidemment tout particulièrement en prison puisque son organisation repose sur un clivage des sexes justifié par le genre. De nombreuses recherches ont d’ailleurs d’ores et déjà été menées, en sociologie, sur le genre en prison depuis les années 1970, Outre-Atlantique d’abord, en Europe ensuite. Ces quelques lignes tendront donc à rappeler humblement certains points sans doute déjà soulevés par d’autres mais aussi à porter sur eux le regard d’une juriste quand la plupart des études réalisées sur ce sujet le sont par des sociologues.
La prison est en effet l’une des rares organisations dans lesquelles le droit permet encore qu’existe une discrimination fondée sur le sexe alors que la mixité a gagné la plupart des autres structures, de l’école à l’armée. La prison elle-même a d’ailleurs longtemps été mixte puisque ce n’est qu’ au début du XIX°s, en 1820, que l’on crée des prisons spécifiques pour les femmes afin, dit-on, de « restaurer leur pudeur », notamment à cause des abus commis sur elles par les gardiens. Depuis lors, en France, et dans la plupart des états du monde, cette non-mixité perdure. Affirmée par les textes successifs, elle n’y est pas expressément justifiée, mais on sait qu’elle a pour principale explication d’y éviter la sexualité. La privation du plaisir sexuel fait en effet implicitement partie de la peine mais on souhaite aussi bien sûr éviter les conséquences non souhaitées d’une pratique sexuelle (MST, grossesse, viols) ou naissant du simple contact entre les sexes (exacerbation du désir, violences…).
Les textes en ce sens sont donc nombreux, clairs, régulièrement réitérés, y compris dans les règles pénitentiaires européennes, à valeur simplement indicatives et généralement progressistes.
On lit ainsi, pour la France, que « Les hommes et les femmes sont incarcérés dans des établissements distincts ou dans des quartiers distincts d'un même établissement. 
Dans ce dernier cas, toutes dispositions doivent être prises pour qu'il ne puisse y avoir aucune communication entre les uns et les autres,… 
Les femmes détenues ne sont surveillées que par des personnes de leur sexe. Toutefois, l'encadrement peut comporter des personnels masculins » et, dans la règle pénitentiaire européenne que « La décision de placer un détenu dans une prison ou une partie de prison particulière doit tenir compte de la nécessité de séparer… b. les détenus de sexe masculin des détenus de sexe féminin. »
Hors cette discrimination, le droit s’engage pourtant, comme dans tous les services publics français, à faire prévaloir l’égalité dans son fonctionnement. L’égalité devant le service public, principe à valeur constitutionnelle, signifie en effet notamment que toute personne doit être traitée de la même façon que toute autre, l’égalité prévalant entre usagers du service mais aussi entre agents. L’exigence est étendue pour cette « institution totale »dans laquelle des vies entières s’organisent puisqu’elle accueille et surveille des usagers séparés du monde extérieur contre leur gré, jours et nuits , sur de très longues périodes.
Cette égalité de principe résiste pourtant peu à l’étude.
Le regard spécial d’une juriste va tendre à montrer comment les inégalités de genre évoquées ne sont pas seulement tolérées ou ignorées par le droit mais bel et bien véhiculées, voire pérennisées par ce dernier. La démarche est paradoxale, voire subversive, car le droit pénitentiaire français, s’il est clairement construit sur la séparation des sexes, prétend en revanche faire prévaloir l’égalité par delà cette différence. Hommes et femmes, à qui l’égalité est d’ailleurs généralement promise en droit français, devront donc y être saisis certes séparément par le droit mais de manière identique. Or, notre propos va être de montrer que le droit ne garantit pas ce faisant un traitement égalitaire. D’abord en ce qu’il ne permet pas toujours que ces deux groupes soient traités de manière identique, ensuite parce que cette égalité, formelle, ne suffit pas à garantir une égalité réelle en ce qu’elle ne prend pas en compte certaines spécificités propres à chacun de ces groupes et n’a donc pas d’effet correctif. Ce faisant, le droit permet et parfois même génère des inégalités de genre.
Des discriminations de genre sont ainsi clairement détectables tant dans l’organisation du travail dans l’organisation carcérale (I) que dans la manière dont on y considère la vie privée (II).
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Juliette Gaté, "Le droit d'être mère en prison", Revue Soins/pédiatrie, puériculture. Elsevier Masson, Vol 36 - N° 287 - novembre 2015, p. 20-23
Le droit pénitentiaire prend en considération le sexe des détenus de trois manières. Les deux
premières interdisent la mixité carcérale : les femmes sont hébergées dans des établissements ou
dans des quartiers distincts de ceux des hommes (article D. 248 du Code de procédure pénale – CPP
[1]) et n’ont pas non plus de contact avec eux dans le cadre des activités, de la formation ou du
travail. Le personnel masculin n’a accès au quartier des femmes que sur autorisation du chef de
l’établissement (article D. 222 du CPP [2]). Les femmes détenues sont surveillées par des femmes
(mais les gradés des quartiers femmes peuvent être des hommes et le sont fréquemment).
La dernière a trait à une spécificité majeure des femmes, la maternité : les articles D. 400 à D. 401-2du CPP [3] prévoient que les mères détenues puissent conserver auprès d’elles leur enfant âgé de
moins de 18 mois. Dès lors, en France, sur les 1 794 places pour les femmes dans les
29 établissements pouvant accueillir des femmes, 76 places sont réservées aux mères avec leurs
enfants, soit 4,3 % [4].
Lorsque des parents sont privés de liberté, il faut en effet faire le choix ou de les séparer de leurs
enfants ou bien, pour éviter les effets de la séparation, d’associer les enfants, lorsqu’ils sont en très
bas âge, à la privation de liberté.
T1 Cadre législatif et réglementaire
Nous comprenons vite combien l’alternative est insatisfaisante. Les difficultés naissant de ces
parentalités carcérales commencent d’ailleurs, enfin, à être considérées par le droit.
TEG1 Depuis le début du XXIe siècle, des textes de droit européen viennent ainsi reconnaître des
droits propres pour la détention des femmes. En 2000, la recommandation 1469 du Conseil de
l’Europe sur les mères et les bébés en prison [5] invite autant que possible à recourir à des sanctions
non privatives de liberté pour les femmes enceintes et les mères qui allaitent. Plus récemment
encore, les nouvelles règles pénitentiaires européennes (2006) insistent sur les droits des femmes
détenues [6]. La Commission des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies (ONU) note
aussi, dans ses observations relatives au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que
« Les femmes enceintes privées de liberté doivent être traitées avec humanité et dans le respect de
leur dignité pendant toute la période précédant et suivant l’accouchement et lorsqu’elles s’occupent
des nouveau-nés ». [7]
Pour lire l'article dans son entier, cliquez ici :
« Légalité d’une circulaire indiquant qu’il est possible de tenir compte des condamnations pénales antérieures pour interdire un spectacle », Actualité juridique des collectivités territoriales, Dalloz, av 2016, p. 220
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